Les ninjas, dont je parle dans mon livre " L’entrepreneur… samouraï, ninja ou zen'' étaient des espions formés à l’infiltration, au sabotage, à la guérilla et semble-t-il à l’assassinat. Dans la culture populaire ils sont devenus des êtres dotés de grands pouvoirs, quasi magiques et auxquels il ne vaut mieux ne pas se frotter parce qu’indestructibles dans leur traditionnelle tenue noire. Les entrepreneur.es sont aussi l’objet d’une vision commune assez stéréotypée. Visionnaires, innovateurs, voulant absolument se démarquer des autres, ayant le goût du risque, passionnés, autonomes, endurants, persévérants, fonceurs, agissant souvent avant de réfléchir, n’aimant pas les cadres et les structures rigides, ambitieux, charismatique, aimant les défis, la compétition, résilients, remplis de confiance en eux-mêmes, etc. Les qualificatifs ne manquent pas au point d’en faire une sorte de héros moderne à qui rien, ou presque, ne peut arriver. Même pas l’échec qui, s’il arrive, ne peut être que positif puisque n’ayant comme utilité que de servir à se relever pour affronter de nouveaux défis, ou pour tester leur résilience.
Je me méfie toujours des stéréotypes et des paradigmes qui peuplent nos pensées et notre imaginaire collectif.
Et je peux affirmer, côtoyant beaucoup d’entrepreneurs, qu’ils ont des idées, parfois très bonnes, mais que tous ne sont pas des visionnaires au sens où nous l’entendons à travers les stéréotypes, que tous ne désirent pas être à l’avant-scène, qu’ils ne vivent pas forcément de leur passion, que plusieurs font face à des crises existentielles, ou encore à des périodes psychologiquement plus difficiles, qu’ils ne dégagent pas tous une incroyable confiance en eux-mêmes malgré les apparences, qu’ils aiment les défis mais pas outre mesure quand ceux-ci s’accompagnent de trop grands risques, qu’ils réfléchissent souvent à deux fois, quand ce n’est pas trois, avant d’agir. Que leur succès, s’il est généralement le résultat d’un travail acharné, est aussi le fruit de concours de circonstances, d’un timing, qu’ils n’avaient souvent pas prévus, même dans leurs visions les plus abouties.
Et tout ça n’enlève rien à leur volonté et leur goût d’entreprendre, à leurs talents, leur capacité et à leur détermination, à leur désir d’autonomie et de réalisation, de bien gagner leur vie ou de souvent vouloir faire plus d’argent que la moyenne des ours. Et surtout à l’immense respect que j’ai pour eux !
On dit qu’on ne nait pas entrepreneur, mais qu’on le devient, par choix, par obligation aussi, sans avoir nécessairement en main tous les atouts nécessaires pour en faire une carrière, un métier, un succès. Pour beaucoup, entreprendre est intuitif, mais comme pour bien pratiquer les arts-martiaux et exceller, comme pour devenir un vrai ninja, ça s’apprend.
L'entrepreneur à succès n’est donc pas ce héros infaillible des temps modernes véhiculé par le mythe et entretenus par plusieurs auteurs. Ce n’est pas un Superman ou une Superwoman qui court après le temps, l’argent et le stress, en oubliant de vivre. Ce n’est pas non plus celui dont l’entreprise réalise le plus gros chiffre d’affaires avec la plus grande couverture médiatique.
L’entrepreneur qui réussit, selon mon expérience et mon appréciation, est celui qui a commencé à définir le succès à travers sa vision, pour lui-même, pour son entourage et pour la société, tout en mettant en place un cadre de vie lui permettant de l’atteindre. C’est quelqu’un qui connait la définition même du mot entreprendre à savoir « commencer à exécuter une action, en général longue ou complexe », conscient que cette action peut s'étirer sur plusieurs mois, plusieurs années et même et sur une vie. Quelqu’un qui sait qu’une entreprise c’est une histoire qui nait et qui se dévoile jour après jour. Une découverte au travers de l'inattendu, faite de joies, de peines, de doutes, de succès et de défaites, de rencontres, d'amitiés, de mésaventures, de labeurs, d'apprentissages, de remises en question. Une histoire humaine avant tout, qui s'écrit comme un roman dont l'auteur découvre ses personnages, leurs vécus, les intrigues au fil de son écriture et de son imagination, ligne après ligne, chapitre après chapitre, au rythme de sa création et de son organisation.
Quelqu’un qui est l’auteur et l’acteur proactif de cette histoire et de sa propre vie.
Quelqu’un dont l’entreprise n’est pas non plus toute sa vie, mais qui a aussi d’autres rêves, d’autres activités, d’autres hobbies et un certain équilibre de vie à trouver ou à préserver.
Quelqu’un qui, avec ses ambitions et son état d'esprit créateur, démarre et avance avec ce qu’il est, ce qu’il possède, ce qu’il est prêt à y consacrer comme effort, comme temps et comme énergie. Ce qu’il est prêt à gagner, à sacrifier ou à perdre. À risquer. À partager. À découvrir à propos de lui-même, des autres et du monde.
Quelqu’un qui contribue, à sa façon, à bâtir la société sans avoir besoin d'être un entrepreneur super héros !